MASCARADES 2012-2016

extraits

 

Éreintée par le déclin industriel, la Région du Centre cherche un nouveau souffle. Dans cette quête, les célébrations d'une ribambelle de carnavals constituent un jalon qui affermit le lien social et offre un miroir à reflets multiples de notre société.

 

La région du Centre est officiellement née du décollage industriel de la Belgique. Au beau milieu du dix-neuvième, l'administration des mines décide de baptiser ainsi cette large zone calée au beau milieu (d'où son nom) de deux bassins charbonniers stratégiques : le Pays Noir et le Borinage. L'orgie métallurgique s'accompagne de flux migratoires denses. Flamands, Italiens, Polonais, et, plus tard, Algériens ou Marocains composent l'entrelacs démographique de la région. Aujourd'hui, le Centre soigne les mêmes cicatrices que ses deux grands voisins. Le charbon a disparu, le revenu est bien en deçà de la moyenne belge, l'emploi reste un défi. Alors, le Centre tâtonne. Il lorgne le tourisme et investit cinq millions, en janvier 2017, pour réhabiliter le Canal historique. Veut doper la navigation fluviale, et injecte neuf millions, toujours en janvier, dans un plan incliné de Ronquières rongé par le manque d'entretien. Face à ces aventures incertaines, un repère reste, fixe, stable, sans cesse réinventé : les carnavals. Par ici, chaque village possède le sien, qui existe avec ferveur dans l'ombre du géant local : le carnaval de Binche, avec ses Gilles aux costumes désormais figés, puisque consacrés par l'UNESCO.

 

Vito Gisonda, photographe originaire de Binche, a largement baladé son œil dans les carnavals du Centre. « Je suis retourné voir, regarder et puis photographier la région dans laquelle j'ai grandi, avec ses paysages remodelés et son creuset d'identités, aussi bien celles du terroir, des descendants de l'immigration que des nouveaux venus.

Après avoir parcouru les lieux emblématiques de ce territoire « postmoderne », densément bâti et peuplé, véritable mille-feuille de strates historiques et sociales, c'est finalement au cours des célébrations païennes du carnaval que j'ai eu l'occasion de retrouver cette population. J'ai réalisé des portraits, des face-à-face et ai confronté leurs personnages à des paysages. Cette rencontre cherche à faire écho à la façon dont la culture, l'histoire politique et économique s'entremêlent dans un même espace d'ouverture, de créativité et de possible renouveau. Pour moi, il s'agit aussi d'une façon d'échapper à une certaine mélancolie liée au passé, en assemblant leurs histoires et en en construisant de nouvelles. V.G»

 

Dans ce travail, les stigmates des luttes sociales et des rêves économiques envolés apparaissent, lorsqu'une troupe se déguise en hôtesses de la Sabena. L'influence de ce qui vient de loin du Canal, du côté de Disney, de Superman, des héros de Hollywood et des médias, s'étend. Dans ces « mascarades », on tisse du lien social, ce sont des lieux idéaux pour se baigner dans notre imaginaire collectif en mouvement.

 

Quentin Noirfalisse 2016​​